A changer
Publié : 06 March, 2023

RAP - Pourquoi la Côte d’Ivoire s’impose devant la Guinée

De 1990 jusqu'au milieu des années 2000, la Guinée était en tête en Afrique francophone dans le domaine du rap, après le Sénégal. C'est un fait, même si la Côte d'Ivoire s'est fait remarquer à l'époque grâce à ses grands rappeurs tels que le crew "Flotte impériale" de Stezo, MC Cliver, Kadjim, M.A.M, puis la génération d'Almighty qui est arrivée après. L'histoire et les coupures de presse retiennent que la Guinée était le carrefour du rap en Afrique de l'Ouest. C'était un niveau élevé en termes de représentation, avec son "Mouvement Rap Koulé" (MRK), son "Tribunal Hip Hop", etc. Toute cette renommée était rendue possible grâce à de grands festivals qui attiraient du monde à Conakry, notamment le "RAP AUSSI". De plus, on pouvait constater une explosion de MC et de grands groupes dans les rues et ghettos de Conakry. Statistiquement, on parle d'au moins 121 groupes et rappeurs solos. Selon le classement de la Fédération internationale du hip-hop, la Guinée occupait la quatrième place, juste après les États-Unis, la France et le Sénégal. Malgré la place prépondérante du rap guinéen à l'époque, il souffrait d'un manque flagrant d'infrastructures telles que des studios d'enregistrement professionnels et des canaux de diffusion. C'est pourquoi tous les premiers albums à succès du rap guinéen, à l'exception de "Foré Bôma" de Kill Point réalisé à Dakar, ont été enregistrés au studio JBZ d'Abidjan. On peut citer, entre autres, l'album "Bakouti" de Légitime Défense (Leg Def), "Sogolon" de Bill de Sam et celui de Hamid Chanana. C'est dans les années 2000 que la deuxième vague du mouvement hip-hop guinéen, également "turbulente" (par exemple : Degg J Force, Silatigui, etc.), a commencé à se rendre au Sénégal pour enregistrer. Le rap guinéen et le rap ivoirien ont des caractéristiques comparatives distinctes. Le rap ivoirien était principalement festif et commercial en raison du régime libéral d'Houphouët-Boigny à l'époque. En revanche, le rap guinéen était principalement underground, hardcore, engagé et revendicatif, avec pour objectif de déstabiliser le régime militaire du Général Lansana Conté. Dans les années 90 et 2000, la Côte d'Ivoire et le Sénégal ont joué un rôle crucial dans le développement du rap guinéen en termes de réseautage et d'appui technique. Étant donné la censure exercée par les médias d'État à Conakry pour empêcher les rappeurs guinéens de s'exprimer, il était important pour la Guinée d'établir des liens avec le Sénégal et la Côte d'Ivoire sur le plan médiatique. Cependant, au fil du temps, la Côte d'Ivoire a pris une place prépondérante dans la scène du rap francophone en Afrique. Une nouvelle génération de rappeurs ivoiriens très agressive et talentueuse, tels que Didi B, Black K, KS Bloom et Suspect 95, connaît un énorme succès commercial et attire d'importants publics lors de leurs concerts, même en dehors de la sous-région, notamment en France. La Côte d'Ivoire est maintenant considérée comme la "capitale du rap africain" grâce à son talent et à ses beatmakers de renom, comme le jeune Tamsir. Il est clair que le rap guinéen traverse une période difficile et est en déclin. La principale raison en est le manque de soutien politique et d'efforts pour revitaliser l'industrie. Les festivals disparaissent, les sponsors se font rares, les maisons de production ferment et de nombreux artistes se retrouvent sans repères. Certains MC's choisissent même de s'exiler ou de se tourner vers d'autres carrières, comme devenir ministre ou chroniqueur radio. Les figures emblématiques du show-biz guinéen ralentissent également leurs activités. En conséquence, la nouvelle génération de rappeurs guinéens est laissée à elle-même, se perdant dans des comportements dépravés, l'égo-trip et des punchlines sans intérêt. Cette situation contribue au déclin de la scène rap guinéenne. Malgré les efforts de certains artistes, tels que Djanii Alfa considéré comme le numéro 1 actuel, le rap guinéen peine à retrouver sa place d'antan et à véritablement renaître de ses glorieuses cendres. Il est donc temps d'agir et de mettre en place une véritable politique de revitalisation de l'industrie du rap en Guinée, en soutenant les festivals, en trouvant des sponsors, en encourageant la création de maisons de production et en offrant des opportunités aux artistes émergents. C'est en investissant dans l'avenir du rap guinéen que l'on pourra espérer un renouveau et un retour à sa position de premier plan. Par Sita CAMARA

(©) SITANEWS

Vous avez trouvé cet article utile ? Partagez-le avec vos amis !
Partager sur :